Version: 19 février 2000


Christian Pillet

Utilisation des techniques actuelles pour améliorer
la lecture des cylindres

par Christian Pillet, 2000

 

I - LA PROBLEMATIQUE

A l'origine, les premiers phonographes à cylindres ont étés conçus pour assurer, sur le même appareil, l'enregistrement et la lecture du son.

Le succès du phonographe a créé une forte demande de cylindres pré-enregistrés et les deux fonctions, enregistrement et lecture, se sont dissociées, entraînant :

  • Une professionnalisation de l'enregistrement, bénéficiant des techniques les plus modernes de l'époque.
  • Une diffusion massive d'appareils n'assurant que la lecture, fabriqués à moindre coût, et d'une qualité parfois médiocre.

En conséquence, la lecture des cylindres par les phonographes dont nous disposons aujourd'hui, même quand ils sont en excellent état de conservation, ne permet pas de restituer toutes les informations gravées sur ces supports. (On notera que l'on peut faire, au niveau de la lecture, la même constatation pour le disque, en particulier pour le microsillon, l'information gravée n'étant que partiellement restituée, voire déformée, par les appareils de bas de gamme).

Ces observations conduisent à se poser la question suivante :

Comment, à partir des cylindres qui nous sont parvenus, et à l'aide des techniques d'aujourd'hui, pouvons-nous lire toute l'information qui y a été gravée ?
En d'autres termes, comment utiliser les ressources technologiques disponibles actuellement pour restituer, à partir d'un support qui date d'une centaine d'années, un son qui soit le plus proche possible du son émis par l'interprète, et, en tout état de cause, très significativement meilleur que celui obtenu en utilisant les appareils les plus performants de l'époque ?

La réponse tient en deux points :

  • Construire un appareil de lecture faisant appel aux technologies connues et maîtrisées aujourd'hui, en particulier celles permettant de traduire en signaux électriques les informations de type analogique contenues dans les cylindres.
  • Traiter l'information recueillie pour éliminer les "bruits" parasites et ne restituer que le son "utile", celui qu'à l'époque on a voulu conserver.

Les deux points sont intimement liés et ne peuvent se concevoir l'un sans l'autre. Le premier fait plutôt appel à la mécanique et à l'électronique alors que le second utilise l'informatique et les ressources quasiment sans limites du traitement numérique du signal sonore.

Bien que le résultat final ne puisse être entièrement apprécié qu'après le traitement du son, on n'abordera, dans les lignes qui suivent, que le premier point, c'est à dire la description de l'appareil de lecture. Ce point est important puisque sa réalisation permet l'extraction du message sonore contenu sur le cylindre. Il est très technique et laisse peu de place à la subjectivité ou à l'improvisation.

Le deuxième point est beaucoup plus délicat et peut poser, dans certains cas, des problèmes déontologiques. En effet la technologie actuelle permet de traiter le son et de le modifier afin d'obtenir des résultats "virtuels", parfaitement plausibles, mais n'ayant jamais existé comme, par exemple, faire interpréter "Le fiacre", succès d'Yvette Guilbert, par Caruso ou par Nelly Melba.

Outre ces problèmes éthiques, qui dépassent largement le cadre de cet article, la description des techniques relatives au traitement du son fait appel à des compétences dont ne dispose que très partiellement l'auteur de ces lignes.

II - LES CARACTERISTIQUES D'UN LECTEUR CONSTRUIT AVEC
LES MOYENS TECHNIQUES D'AUJOURD'HUI

Un lecteur moderne, quelque soit son aspect extérieur et son degré de finition, doit pouvoir disposer des caractéristiques suivantes :

  1. Accepter des cylindres de diamètres et de longueurs différents,
  2. Entraîner ces cylindres à des vitesses de rotation qui peuvent varier fortement d'une marque à l'autre,
  3. Lire les cylindres comme ils ont étés gravés, c'est à dire avec un bras qui se déplace perpendiculairement à l'axe du cylindre, donc tangentiellement au sillon,
  4. Etre équipé d'une cellule magnétique stéréophonique, assurant sur le cylindre une pression pouvant aller jusqu'à une dizaine de grammes environ,
  5. Pouvoir accepter des pointes de lecture ayant des caractéristiques très différentes,
  6. Pouvoir faire varier la position de l'axe du cylindre dans plusieurs directions (par rapport à l'horizontale en particulier),
  7. Etre équipé d'un dispositif permettant de corriger les défauts de certains cylindres, comme le décentrage ou la variation d'épaisseur,
  8. Assurer un signal de sortie compatible avec les normes usuelles de la Hi-Fi.

Il est évident que ces caractéristiques n'ont pas toutes la même importance et que certaines peuvent être omises. Ce sont les caractéristiques "idéales" qui sont énumérées ci-dessus. On verra, en particulier, que la variation de vitesse de rotation (caractéristique N° 2) peut être assurée très efficacement par le traitement numérique du son.

III - CONSIDERATIONS SUR LE TRAITEMENT NUMERIQUE DU SON

Depuis de nombreuses années, on sait digitaliser le son et le traiter informatiquement. Ce qui était réservé aux professionnels à des coûts élevés est maintenant disponible, à des prix plus abordables, pour des utilisations domestiques.

Plusieurs logiciels sont présents sur le marché. Tous n'ont pas le même niveau de performance. Certains disposent de fonctionnalités qui les rapprochent des outils professionnels. On peut citer, en particulier le logiciel SOUND FORGE qui, dans sa version la plus complète, permet la restauration des vieux enregistrements avec une réelle efficacité.

On ne rentrera pas ici dans le détail du traitement qui est relativement complexe et demande, pour aboutir à un résultat intéressant, une assez longue pratique.

Les principales fonctionnalités utilisées sont les suivantes :

  1. Transformation du signal stéréophonique en signal monophonique par choix du meilleur canal (les enregistrements ne sont pas symétriques) ou par addition des deux canaux en utilisant la technique dite de différence de phase.
  2. Modification du signal pour éliminer les imperfections telles que la lecture en boucle (répétition du même sillon sur un cylindre détérioré).
  3. Modification éventuelle de la vitesse de rotation par procédure informatique (Variation de la tonalité par pas d'un demi-ton).
  4. Atténuation des bruits de surface par plusieurs fonctionnalités du logiciel adaptées à ce traitement. C'est là l'exercice le plus délicat car le logiciel ne sait pas toujours identifier le bruit à éliminer et le son à conserver. Un traitement trop intense génère des bruits parasites (écho, effets caverneux,...) qui vont à l'encontre du but recherché.
  5. Elimination de type "chirurgical" (point par point) des bruits parasites générés par les défauts du cylindre (trous, rayures, fissures,...)
  6. Atténuation des fréquences parasites engendrés par l'appareil de lecture au cours de l'enregistrement (rumble, vibrations du moteur...). Eventuellement, et en respectant le son originel et les règles élémentaires de la déontologie, remplacement de courts passages inaudibles par des échantillons identiques, de meilleure qualité, prélevés sur le même cylindre à des endroits différents.
  7. Normalisation de l'intensité du signal de sortie et enregistrement du résultat final (Disque dur, CD audio, K7...)

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